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LA VIE DE VIVEKANANDA

 

ANNE FAVRAUD - ADITI

Né en 1863 à Calcutta, NARENDRA NATH de son vrai nom, était issu d' une famille très orthodoxe, de la caste des « kshatryas . Il reçu une éducation à la fois religieuse et bi-culturelle, puisqu'il fit ses études dans une école anglaise. C'était un élève brillant, qui s'interessait aussi bien aux sciences et à la philosophie qu'à la religion.
A l'adolescence il rejeta toute la tradition hindouiste et devint agnostique. Il pensait que l'on pouvait très bien mener une vie morale sans croire en Dieu, et ne prônait que la vertu et la loyauté.
Alors qu'il fréquentait le cercle des «  Brahmo- Samaj » dirigé par Keshab Chandra Sen, qui s'attachait aux réformes sociales, il recherchait activement quelqu'un qui pu voir Dieu.
Un jour, il avait alors 19 ans, il accompagna son ami Keshab voir le saint Ramakrisna, au temple de Dakhsinesvar. Sa première rencontre fut pour lui décevante, car il lui apparut comme un être inculte et il pensa voir en face de lui un charlatan. Mais Ramakrisna vit dès cet instant en Narendra une personne hors du commun.
Cependant  Narendra était intrigué par ce  saint homme, et il voulut vérifier son opinion. Il retourna donc à Dakhsinesvar, et rencontra Ramakrisna seul à seul. Le Maître lui dit alors :«  Comme tu as tardé à venir, je t'attend depuis si longtemps !!! » et lui prodigua une grande tendresse, ce qui irrita grandement le jeune homme. C'est alors que Ramakrisna le soumit à une expérience extra-sensorielle qui troubla fortement Narendra.
Le besoin d'une explication le ramena une troisième fois auprès de Ramakrisna et c'est alors qu'il rejeta ses préventions et vint s'instruire auprès du Maître. Il devint très assidu, posait sans cesse des questions, et suscitait des débats passionnés avec les autres disciples.
Ramakrisna pressentait qu'il ne lui restait plus longtemps à vivre, et il soumit Naren à un entrainement intensif en vu de l'instruire. Sachant qu'il avait affaire à une âme pleinement évoluée, il sentait en lui son digne successeur.
Le jeune homme hésitait à prononcer ses vœux pour devenir moine car il avait sa famille à charge, et devait faire face à de gros problèmes financiers : l'honneur de sa caste et une grande sentimentalité le lui interdisait. Ramakrisna lui ôta ce dernier scrupule en lui assurant que sa famille ne manquerait de rien, que  Dieu y pourvoirait. Il le mit aussi en garde contre le péché d'orgueil : « Ne perd jamais l'amour du Divin, respecte tout sincère adorateur de Dieu, où et de quelque façon il l'adore . N'essaie pas d'être sentimentalement bon. Ce que tu dois faire c'est de voir en tout être vivant le dieu souverain et le servir comme tel ».

 

Il lui donna alors le nom de VIVEKANANDA : celui qui discrimine avec joie. Et il l'envoya s'instruire auprès des plus grands yogis de l'Inde pendant une année.
Notre jeune moine décida de faire également un immense pèlerinage auprès des plus démunis, dans les lieux les plus reculés de ce vaste pays. Doué d'une immense compassion il apprit ainsi la vérité auprès des gens les plus humbles.
A son retour Ramakrisna l'autorisa à rester près de lui pour l'aider dans sa tâche d'enseigner les disciples et tous les dévots qui venaient à Daksinesvar. Il le prévint que bientôt il devrait interrompre son travail et lui remettrait cette charge.
Le Maître quitta son corps en 1886. Ce fut pour Naren et tous les disciple un  temps de profond désarroi.
Mais quelques années plus tard il apprit que se tenait aux États-Unis le parlement mondial des religions. Avec le soutient de certains condisciples il eut l'impulsion de s'y rendre, quoiqu'il n'y fut pas invité . Son intervention au sein de cette rencontre resta gravée dans l'esprit de tout les participants, et il fut invité un peu partout pour animer des conférences, aux États-Unis puis en Europe. Ce fut une révélation pour tout le monde occidental qui n'avait alors aucune notion dans le domaine de la spiritualité indienne. Il rencontra des gens de renom et lia des amitiés qui perdurèrent*.
Il put à son retour en Inde oeuvrer avec tous les disciples au développement de la mission Ramakrisna, autant sur le plan social que spirituel. Il concrétisait ainsi le souhait de son Maître et celui de Sarada Dévi. Mettant toute son énergie créative il s'adonna sans relâche à cette œuvre en propageant la philosophie du Védanta. Il quitta ce monde le 4 juillet 1902 à l'âge de 39 ans.
Vivekananda est un des plus grands génies qui a incarné l'esprit de l'Inde. Ses aspirations et accomplissements spirituels ne se sont jamais reposés sur de dogmes et des doctrines.  « TAT TVAM ASI  :  tu es cela » doit être éprouvé, réalisé, vécu par l'expérience. Le divin est en chacun de nous, mais il est obscurci, caché, emprisonné : c''est ce qu'on appelle MAYA.( voile).
De son intervention au parlement des religions en 1893, à Chicago, il fait entendre la voix de l'Inde éternelle, et de la religion universelle, en évoquant la tolérance et la compréhension face à l'ignorance et aux préjugés.
Devant la misère de son peuple et de tous les malheureux sur terre il a oeuvré pour que chacun puisse acquérir force, beauté, pouvoir et dignité et se révéler un humain authentique. Il  redonne ainsi confiance et espoir à tout son peuple : «  Le meilleur chemin vers Dieu passe par le service des hommes. Il consiste à se parachever soi-même, à faire de soi-même un symbole ou une image du Divin qui demeure en nous ».
Il a effectué la synthèse entre l'Inde et les Etats Unis. Mais aussi entre l'Orient et l'Occident. Pour en comprendre toute la portée il faut réaliser l'aspect culturel et le passé spirituel de l'Inde et de l'Asie.

 

Le but traditionnel de l'éducation, de la culture et de la civilisation orientale a été à travers les siècles la connaissance de soi, la compréhension des qualités spirituelles, ainsi que l'humilité et le respect des anciens.
Le but de l'éducation occidentale est le développement de l'intellect et l'exploration d'autres mondes et des planètes.  Pour l'occidental, l'oriental est un rêveur. Pour l'oriental, l'occidental également, car il s'amuse avec des pensées éphémères. L'objet d'étude pour les occidentaux est la manifestation de la vie, pour l'oriental c'est la vie elle même, c'est connaître son essence, ce qui est aussi pratique. Derrière le matérialisme, la nature réelle est d'origine divine et cette nature est aussi réelle pour l'oriental que l'est un objet matériel pour l'occidental.
La connaissance n'est pas autre chose que la découverte de l'unité au milieu de la diversité. L'idéal de l'homme se trouve dans la synthèse entre les deux. La mission de Vivekananda était de trouver cette harmonie entre les deux civilisations.

Il a fait découvrir des méthodes telles que la méditation et la contemplation pour la connaissance de soi. Il a compris que ce qui est seulement intellectuel reste à l'extérieur de soi. Il a prononcé des paroles de sagesse qui ont touché le cœur de tous.
Les points développés par Swami Vivekananda et repris par Gandhi sont ceux ci :
- L'unité de toutes les religions.
- Le service de l'humanité et du divin à travers lui.
- L'opposition non-violente à toute forme d'oppression et d'esclavage, à la bigoterie et la superstition.
- Le sens du respect à soi-même et la foi en sa destinée (dharma)

Pour l'oriental le terme religion signifie réalisation et la philosophie du védanta nous enseigne comment y parvenir :
-En dépassant le dieu personnel pour atteindre l'absolu ( brahman)
-En se désidentifiant du corps et du mental pour sortir de la souffrance ( prise de conscience d'Atman).
-En vérifiant par soi-même, c'est à dire en discriminant (accès à la connaissance de sa propre nature, l'impermanence, « Sat Chit Ananda »).
Le Védanta nous dit que nous sommes à la fois libre et non libre : nous sommes attachés sur le plan matériel, et libre sur le plan spirituel. Atteindre cette connaissance, c'est atteindre cet espace de liberté qui est l'amour pur.

Ce fut Romain Rolland qui le premier consacra des ouvrages sur la vie de Ramakrisna, de Vivekananda et de la Sainte Mère dans les années 1930.
Il y a une grande leçon à tirer de ces enseignements et encore plus à l'heure actuelle.  Les qualités de cœur et d'esprit sont essentielles, notamment la tolérance, car les tensions et conflits ne dérivent pas forcément des cultures et des civilisation mais des pensées de l'homme. Méditons sur ses sages paroles :
« TOUTE ÂME EST EN PUISSANCE DIVINE. NOTRE BUT EST DE MANIFESTER LE DIVIN QUI EST EN NOUS, EN CONTRÔLANT NOTRE NATURE EXTÉRIEURE ET INTÉRIEURE. PARVENONS Y PAR LE TRAVAIL, PAR L'ADORATION, PAR LA MAITRISE DE L'ESPRIT OU LA PHILOSOPHIE, PAR L'UNE OU PLUSIEURS DE CES VOIES, ET SOYONS LIBRES.
C'EST LA TOUTE LA RELIGION. LES DOCTRINES, LES DOGMES, LES RITES, LES LIVRES, LES TEMPLES, ET LES FORMES NE SONT QUE DÉTAILS SECONDAIRES. ».

 

* cf. « Swami Vivekananda en Europe » de S. Vidyatmananda (ed. C.V.R)