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LA VIE DE SARADA DEVI - LA SAINTE MÈRE

 

ANNE FAVRAUD - ADITI

NNée le 22 Décembre1853à Jayrambati, non loin du village natal de Sri Ramakrihna, la petite Saradamani était issue comme lui d'une famille de Brahmines, pauvre mais très respectée. Elle aidait courageusement ses parents dans les tâches ménagères et aux champs et on ne jugea pas utile de l'envoyer à l'école. A l'exemple de ses parents, très charitables, elle développa une capacité à comprendre les souffrances humaines et un esprit d'abnégation dont elle témoigna tout au long de sa vie. De caractère réservé elle était aussi très attirée par la spiritualité, et s'amusait à fabriquer des petites déités en terre cuite.

Sa destinée changea lorsqu'on la maria à l'âge de cinq ans à ce jeune homme de vingt trois ans, Ramakrishna, qui n'avait qu'une aspiration, celle de réaliser Dieu. A cette époque il pratiquait avec intensité les austérités et entrait fréquemment en Samadhi. Ses proches le poussèrent à se marier et contre toute attente il accepta. Mais sa famille ne trouvait aucun parti. Ce fut lui qui indiqua où l'on trouverait sa future épouse. Malgré leur grande différence d'âge, Sarada fut immédiatement subjuguée : elle l'accepta comme son Guru le nommant respectueusement « Guru Dev » (Divin Guru) ou « Thakur » (Seigneur). Il n'imposa aucune obligation à la fillette qui resta chez ses parents, venant parfois lui rendre visite. Quelques années plus tard il revint souffrant, de Dakshinesvar où il travaillait, pour se reposer. Aussitôt Sarada se rendit à ses côtés pour le soigner avec beaucoup de cœur. C'est alors qu'il reconnut en elle la Déesse Saraswati, Déesse du savoir, et lui donna le nom de Sarada Devi.
L'année de ses dix huit ans elle décida de se rendre à Dakshinesvar de manière impromptue, à cause de rumeurs alarmantes concernant la santé mentale de son époux. Elle se rendit directement à la chambre de Ramakrishna, qui l'accueillit par ces mots : « Ah,  comme c'est bien, tu es enfin là ! » plus tard il lui demanda si elle était venue dans le but de l'attirer dans le monde, mais la jeune femme répliqua : «  Je ne veux que votre bien ». C'est ainsi qu'elle resta auprès de lui, prête à accomplir son seva (devoir)  selon son vœux le plus cher.

Elle habitait à l'écart une petite chambre exiguë dans le pavillon de musique situé à une centaine de mètres du temple. Elle y préparait les repas du Maître, mais aussi des disciples et des dévots qui se présentaient à toute heure du jour et de la nuit. Elle était si discrète qu'elle allait prendre son bain dans le Gange avant l'aube. Sa plus grande joie était d'écouter le Maître chanter avec les dévots et elle pouvait l'apercevoir cachée derrière la palissade de bambous. Parfois Ramakrishna l'appelait en l'absence des visiteurs pour lui masser les pieds, et par la même occasion lui transmettre son enseignement. Car celui-ci avait tout de suite pressenti que sa petite épousée serait vouée à une grande et noble tâche.

 

S'occupant sans relâche des uns et des autres, elle retournait fréquemment dans son village. Elle faisait les cent kilomètres à pied, parfois accompagnée de quelques dévotes. Un jour, fatiguée, car elle souffrait de fréquents accès de malaria, elle s'arrêta en chemin, laissant ses compagnes poursuivre. Mais à la tombée de la nuit, un couple de brigands la surprit. Elle ne ressentit aucune peur et s'adressa à eux en ces termes : « Père, mère, je suis votre fille Sarada... » ce qui eut pour effet de les toucher au cœur. Ils l'hébergèrent pour la nuit et l'accompagnèrent le lendemain jusqu'à ses compagnes de route.

Elle vécut ainsi avec courage et dévouement durant treize ans et resta auprès de Ramakrishna les dernières années de sa vie pour le soigner. C'est durant cette période qu'il lui transmit tous ses pouvoirs et les proches disciples du Maître reconnurent en elle sa divine Shakti (énergie divine d'origine féminine exprimant amour et compassion). Après sa mort elle eut de nombreuses visions du Maître. Un jour il lui apparut et dit : « Pourquoi pleurer, je suis juste là, dans la pièce d'à côté ». Elle comprit alors qu'elle et son époux ne faisaient plus qu'un.

Selon les prédictions de son époux elle entreprit un grand pèlerinage à travers l'Inde en compagnie de quelques disciples. Puis elle se retira dans sa province natale pour mener une vie d'ascète ainsi que le firent les disciples du Maître. Suivirent des années d'intense solitude où elle se réfugia dans la prière tout en prodiguant des soins aux plus démunis. Ses privations altéraient sa santé et les disciples de Ramakrishna , qu'elle avait toujours traité comme ses propres enfants, décidèrent de lui construire une maison à Calcutta. Les gens de toutes castes venaient y chercher la bénédiction de la « Sainte Mère ». Tous étaient touchés par sa simplicité et son charisme. Elle eut de très nombreux disciples auxquels par son exemple elle enseigna la discipline et la puissance du Japa (répétition du mantra). Elle se dépensait sans compter et sa santé finit par se dégrader. Elle atteignit le Maha Samadhi le 20 juillet 1920.

Sri Sarada Devi incarne l'éternel féminin aussi bien en temps qu'épouse, mère, ou âme hautement spirituelle. Sa foi en Ramakrishna était inébranlable. Elle faisait toujours référence au Maître dont elle transmit l'enseignement au plus grand nombre. Elle donna l'impulsion à Naren et aux autres disciples d'oeuvrer pour la création de l'ordre de Ramakrishna et de ses missions. Les dernières paroles de son enseignement sont répétées à chaque repas dans tout les centres : « Si vous désirez la paix de l'esprit ne voyez pas les défauts d'autrui, voyez plutôt les vôtres. Apprenez à considérer que l'univers tout entier n'est pas différent de vous-même. Personne ne vous est étranger, le monde et vous-même c'est tout un ».

 

Nous avons de nombreux témoignages concernant l'enseignement de Sarada Devi. En voici quelques-uns qui révèlent aussi ses traits de caractère.
Une de ses disciples, Sarayubala, vint la rencontrer à Udbodhan (Calcutta) en 1911 et fut très proche de la Sainte Mère jusqu'à sa disparition . Elle nous a livré le récit de ses rencontres : «  La Sainte Mère ne révélait que très rarement sa grandeur divine, elle agissait de toujours manière à ce que les gens la prenne pour un être ordinaire. Elle ne révélait son aspect divin qu'à de très rares occasions, seulement pour quelques grâces envers des dévots privilégiés. Elle se comportait souvent comme une gentille petite fille et n'imposait jamais rien à personne. Elle était libre et directe, d'une humeur enjouée».

Swami Premananda : «  Qui peut comprendre la Sainte mère ? Très souvent nous devenions témoins de ses extases, mais mêmes ses pouvoirs restaient cachés. Quel pouvoir suprême est-ce là ? Ne voyez-vous pas combien de gens se pressent vers elle ? Le poison que nous ne pouvons avaler, les péchés des dévots, nous les lui donnons simplement. Elle est le refuge de tous. Sa compassion est infinie. La reine apparaît comme une pauvre ménagère, elle lave, elle passe la serpillère, cuisine le riz, et même nettoie les restes des dévots...Une patience infinie sans la moindre trace d'égoïsme ».

Swami Vivekananda disait d'elle: « Vous n'avez pas encore saisi toute la merveilleuse signification de la vie de la Sainte Mère, aucun de vous. Mais petit à petit vous arriverez à la comprendre. Sans Shakti il n'y a pas de régénération possible pour le monde ».

                                                    OM OM OM !!!

 

* Extraits revue Vedanta n°218